Raphaël – toujours pas opéré – 2 reports d'intervention

Publié le par Françoise et Jean-Christophe

 
Madame, Monsieur,


Notre fils est atteint d'une malformation cardiaque de la valvule tricuspide dite "maladie d'Ebstein" dépistée en anténatal. Il a été hospitalisé 3 semaines à la Timone à la naissance, dont une dizaine de jours en réanimation.

 

Il a toujours vécu depuis cet épisode, une vie "normale" à la mesure de ses moyens. Il a bénéficié, concernant sa pathologie, d'un suivi régulier à Marseille puis à Toulouse car ayant déménagé dans la région Midi-Pyrénées il y a 9 ans. Nous savions cependant, depuis l'enfance, qu'une opération chirurgicale serait proposée à l'adolescence, (voire plus tôt si nécessaire) le cœur ne pouvant tolérer trop longtemps la fuite massive engendrée au niveau de l'oreillette droite et l'affaiblissement du ventricule gauche.


Nous avons rencontré le Professeur Kreitman en 2007. Celui-ci a clairement signifié à Raphaël "qu'il avait le choix (à long terme) entre se faire opérer ou mourir de sa maladie".


Pourtant, notre fils ne présentant pas de signe d'insuffisance cardiaque, pas de trouble du rythme et ne suivant pas de traitement médical, la décision d'intervention était pour nous ses parents quasiment impossible à prendre. En effet, l'intervention ne peut réparer complètement le cœur de Raphaël qui ne fonctionnera jamais normalement.


L'espoir est que l'intervention puisse permettre de donner davantage de mobilité à la valve mais rien ne garantit qu'il ne faudra pas recourir à une valve artificielle et que suite à l'opération, notre fils ne sera pas contraint de suivre un traitement à vie.


Raphaël qui a développé une grande adaptabilité et beaucoup de force morale a pris lui-même la décision d'être opéré au printemps dernier, ce en quoi nous le soutenons totalement et l'accompagnons de notre mieux, puisqu'il est plus à même que nous, de savoir ce qu'il ressent sur le plan de sa forme physique et de la tolérance de sa malformation.


Nous avons alors rencontré un chirurgien à Toulouse et avons repris contact avec le Professeur Kreitman qui est un des rares spécialistes en France de cette malformation très rare. Nous avons finalement demandé à ce que l'opération se fasse à Marseille, d'autant que nous avons de la famille sur place, ce qui matériellement simplifiait l'organisation du séjour.


L'opération a donc été programmée le 9 novembre 2010 à la Timone et des examens complémentaires ont été effectués également à Marseille en octobre 2010. Notre fils Raphaël s'est longuement préparé à cette grave opération et nous avouons que la gestion de l'angoisse d'une telle opération n'est déjà pas une chose facile, que ce soit pour les parents ou l'ensemble de la famille.


Le dimanche 7 novembre, nous effectuons le voyage, environ 450 km, en ayant au préalable prévenu l'institutrice de notre fille de sept ans, élève de CE1, de son absence afin qu'elle puisse emporter des exercices qui lui permettent de reprendre sa scolarité sans trop de handicap. Une sortie pédagogique a même été reportée pour elle.


La veille de l'opération nous étions donc sur place, l'hospitalisation étant prévue à partir de 14 h puisque les examens préliminaires avaient fait l'objet d'un précédant voyage de 3 jours. Afin que les conditions soient favorables, notre fille était accueillie chez l'une de ses grand-mères à 70 km de Marseille, au moins pour les premiers jours.

 

Alors que nous allions monter dans la voiture pour nous rendre à l'hôpital, la secrétaire du Pr Kreitmann, nous apprend par téléphone que l'opération était annulée faute de places en réanimation. Elle n'a pu nous donner plus de précisions sur le report possible de l'intervention dans la semaine. Nous avons donc attendu jusqu'au mercredi soir pour avoir des nouvelles. Le jeudi étant férié et n'ayant aucune indication de la conduite à tenir nous avons décidé de repartir puisque l'absence au travail ne pouvait se prolonger davantage sans la certitude que l'opération soit réalisée dans les jours suivants.


A Noël, la secrétaire du Pr Kreitmann nous a recontacté, l'opération était à nouveau programmée pour le 16 mars, avec hospitalisation à partir du 14 mars pour refaire les examens. A nouveau il a fallu organiser les congés au niveau professionnel et faire manquer l'école à notre fille. Inutile, quasiment, de parler de l'année scolaire de Raphaël qui a
échoué au baccalauréat de quelques points l'année dernière et qui n'a pu redoubler au sein de son établissement alors qu'il n'a jamais redoublé de toute sa scolarité. En effet, comble de l'ironie, une section L a été supprimée et il n'y avait donc plus de place pour les redoublants... Raphaël est inscrit au CNED et essaie de s'intéresser à son travail scolaire quand ses préoccupations ne se concentrent pas trop sur sa future opération !


L'intervention devant être réalisée par le Professeur Kreitmann et s'agissant d'une malformation congénitale, Raphaël a été hospitalisé en pédiatrie bien qu'il ait 18 ans. (Cela a représenté au moins l'avantage de permettre à l'un de nous de rester auprès de lui les deux nuits passées à l'hôpital).

 

Le 15 au soir, deux comprimés d'Atarax ont été donnés à Raphaël, il a été réveillé à 5h30 pour se préparer pour l'opération et prémédiqué à 6h (le petit voisin de 3 ans et sa maman ont profité du réveil matinal). Puis, plus rien, jusqu'à... 11h30 où enfin une assistante du Professeur Kreitmann est venue nous informer que l'opération était de nouveau annulée. Nous avons insisté pour savoir si elle serait reprogrammée dans la semaine et un moment après, cette personne est revenue pour nous signifier que toutes les opérations prévue dans la semaine étaient urgentes et que nous pouvions quitter l'hôpital.


Malgré tous nos efforts de compréhension et d'empathie envers l'équipe chirurgicale dont nous pensons les conditions de travail insoutenables, il est vrai qu'en tant que mère j'ai eu des paroles très vives, je ne pensais plus jamais mettre les pieds dans cet hôpital. Or, comme me l'a fait très justement remarquer Raphaël, ce qui n'a fait que rajouter à ma détresse après deux nuits presque blanches, j'ai été agressive envers la seule personne qui soit venue nous parler et prendre soin de nous informer de la situation. Nul n'est parfait et je m'en excuse auprès d'elle et de mon fils qui garde la tête froide en toutes circonstances et que j'admire pour cela (et pour tout le reste).


Raphaël et nous ses parents gardons toute notre confiance au Pr Kreitmann et à son équipe mais nous ne pourrons pas revivre cette situation plusieurs fois encore. Il est intolérable que les usagers et en particulier les enfants soient considérés de cette manière, ayant déjà eu, avec leur famille, leurs lots d'inquiétudes tout au long de leur parcours les menant au bloc opératoire . Vous n'avez sûrement pas idées, en tant que père, le nombre de fois où, Raphaël dormant plus que d'habitude, je suis allé dans sa chambre pour voir s'il respirait encore, ou de l'angoisse décuplée par un petit retard de sa part ou de sa classe à une sortie. Le stress est déjà suffisamment difficile à gérer pour les proches d'enfant cardiaque, et nous prenons sur nous car nous savons que cela peut leur nuire, mais comment notre système hospitalier a t-il pu être amputé des moyens minimum pour le bon déroulement de ses opérations, c'est inacceptable.


Il est également inconcevable que des équipes de pointe comme celles du Professeur Kreitmann soient contraintes de subir de telles conditions de travail et de stress quand l'on sait qu'elles ont la vie de nos enfants entre leurs mains. Il est inadmissible que cette situation perdure depuis des années sans solution, que la sécurité sociale qui doit faire des économies (nous en avons tous conscience), doive financer de multiples examens coûteux et inutiles, des transports... puisqu'il faudra les refaire à chaque report d'intervention.


Il nous semble difficile d'expliquer à un enfant ou à un adolescent l'urgence d'une autre intervention, et cela à plusieurs reprises... et pourtant Raphaël aurait spontanément laissé sa place pour sauver une vie si on lui avait expliqué la situation.

 

Il n'y a pas de place au lycée pour notre fils, il n'y a pas eu de place pour lui à la Timone en novembre 2010, il n'y en a pas eu non plus le 16 mars 2011. Est-ce qu'un jour, quelque part, il y aura une place pour lui dans cette société, sachant qu'il ne pourra pas occuper n'importe quel emploi, ni obtenir de crédit, ni de mutuelle sans doute, ni...ni...? Mais là...nous nous écartons du sujet bien entendu.

 


Bien sincèrement

Publié dans TEMOIGNAGES

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